La section suivante examine comment la pandémie actuelle de coronavirus a affecté les dispositifs de gouvernance. Au cours des différentes vagues de la pandémie, les gouvernements nationaux ont dû réagir rapidement à des événements se produisant à une vitesse fulgurante. Cette situation sans précédent a donné lieu à des changements dans la nature des relations entre les gouvernements centraux et infranationaux et à des déplacements de responsabilités et de pouvoirs allant au-delà du secteur de la santé. Depuis, il est apparu clairement qu'une réponse nationale réussie à la pandémie de COVID-19 nécessite une coordination au sein des gouvernements et entre eux.

 

Les réponses fournies par les associations du CCRE aident à discerner les tendances et les développements survenus pour faire face à la crise et à ses impacts qui ont affecté les attributions des responsabilités et des pouvoirs des collectivités territoriales. Ces informations collectives apportent un éclairage précieux sur la mesure dans laquelle les collectivités territoriales ont été appelées à exercer des tâches supplémentaires ou moins nombreuses durant la première vague de la pandémie, et si elles ont été ou non compensées financièrement.

Tendances générales comparatives

Bien de discussions ont eu lieu[1] pour déterminer si les états fédéraux ou les états unitaires ont mieux traversé la crise et quels mécanismes ont été les plus efficaces pour gérer les situations de crise. Si l'on considère les expériences des collectivités territoriales dans leur ensemble, ainsi que les déclarations des associations du CCRE, il est difficile d'affirmer avec certitude que certains pays ont nettement tendance à décentraliser ou recentraliser pour répondre à la pandémie[2]. Cependant, un constat important révélé par la pandémie est incontestable : la nécessité de coordonner toute réponse et action de crise entre tous les échelons de gouvernance, de partager les informations de manière transparente et d’organiser le partage des responsabilités le plus tôt possible.

 

Les témoignages de l’année dernière soulignent comment, au début de la pandémie, les gouvernements centraux ont adopté une approche très descendante, ayant recours à l'élaboration de politiques centralisées et rigoureusement contrôlées, pour gérer la crise. Au fil du temps, à mesure que la situation évoluait, les collectivités territoriales ont davantage exercé leur pouvoir de décision, pour une approche plus spécifique et plus locale.

 

Les résultats de 27 pays[3] montrent que la gestion de la crise liée à la COVID-19 a eu un impact clair sur les attributions et les responsabilités des collectivités territoriales, ou qu'elle a affecté la relation et la nature de la collaboration des collectivités territoriales avec le gouvernement central. En revanche, 11 pays[4] ont observé que la gestion de la crise liée à la COVID-19 n'avait eu aucun impact sur les responsabilités des collectivités territoriales ou n'avait pas affecté la nature de leur collaboration globale avec le gouvernement central dans leur pays.  

 

Figure 10 – Impact de la crise liée à la COVID-19 sur les responsabilités des collectivités territoriales

Source: Enquête TERRI 2021 | CCRE

 

Compte tenu de la nécessité de réagir rapidement, il n'est pas surprenant que la collaboration entre et/ou à travers les différents échelons de gouvernement ait été déterminante pendant la crise liée à la COVID-19. Les associations de 19 pays[5] ont répondu que la gestion de la crise liée à la COVID-19 a accru le degré de collaboration. Cependant, les associations de dix pays[6] ont également précisé que la structure territoriale et la collaboration des collectivités territoriales dans leur pays pendant la crise étaient beaucoup plus complexes.

 

Certaines associations ont expliqué que les collectivités territoriales avaient dû faire face à plusieurs tâches supplémentaires pendant la crise et que, par conséquent, elles exerçaient désormais leurs compétences à un niveau plus élevé (cas de l'Autriche). Il convient toutefois de noter que, dans de nombreux pays, ces compétences supplémentaires n'ont pas été dévolues par la suite aux collectivités territoriales à titre officiel. En Suède et en République tchèque par exemple, les associations nationales ont souligné que les changements représentaient simplement un renforcement temporaire d'urgence des collectivités territoriales.

 

D'après les informations fournies par les membres du CCRE et d'autres organisations, telles que l'OCDE[7] et l'Organisation mondiale de la santé[8], les pays qui ont le mieux réussi à lutter contre la pandémie sont ceux qui ont été capables de coordonner efficacement leurs actions au sein et entre les différents gouvernements. Pourtant, cette capacité à coopérer et à coordonner entre les différents échelons territoriaux de gouvernement a été mise à rude épreuve. Comme l'illustrent certains exemples des membres du CCRE, même lorsqu'elle est productive, la coopération entre différents échelons ne promet pas nécessairement un déroulement sans heurts.

 

En Belgique, par exemple, la réponse nationale à la crise a été criblée de problèmes de coordination, qui ont (re)déclenché un débat sur la viabilité future du modèle fédéral du pays. Les collectivités territoriales ont été chargées de tâches supplémentaires pour lutter contre la pandémie et ont été soumises à des pressions accrues dans l'exercice de leurs fonctions habituelles[9].

 

En Autriche, des erreurs ont été commises et des incohérences ont été signalées dans la coordination entre les différents échelons de gouvernance[10].

 

En République tchèque, au cours des premiers mois de la pandémie, les collectivités locales n'avaient pas de représentant au sein du Comité central de gestion des crises. Après des demandes répétées, le gouvernement a finalement accepté qu'un représentant de l'Union des villes et communes de la République tchèque (SMO ČR) participe aux réunions du Comité central de gestion des crises. En outre, les autorités de l'État ont commencé à émettre des « règlements » administratifs, impliquant l'imposition de nouvelles restrictions aux collectivités territoriales ; par exemple, sur le rassemblement de personnes et l'exigence de tests de dépistage des personnes sur les lieux de travail dans le secteur public.

 

En Pologne, la Loi du 2 mars 2020 stipule que les voïvodies (échelon régional) peuvent émettre des ordres qui sont contraignants pour tous les organes de l'administration gouvernementale agissant au sein d'une « voïvodie. » Dans la pratique, cette disposition a été très souvent utilisée pendant la pandémie pour déléguer des tâches d'organisation et de soutien, en particulier celles qui étaient censées être sous la responsabilité de l'administration gouvernementale, comme l'organisation de sites de quarantaine, le soutien à l'organisation d'un système d'administration des vaccins COVID-19, la mise en place de transports pour recevoir les vaccins, ainsi que la mise en œuvre de changements organisationnels dans les entités de soins de santé (dans les hôpitaux, par exemple).

 

Les associations roumaines ont souligné les progrès importants réalisés en matière de décentralisation, de numérisation et de réduction des procédures bureaucratiques à la suite de la pandémie et ont également indiqué que ces changements seraient maintenus. Par exemple, très peu d'institutions acceptaient la signature électronique avant la pandémie ; aujourd'hui, elles sont beaucoup plus nombreuses à la considérer comme admissible.

  

Encadré 6 : Examens duCDDGet de l'OCDE sur la gouvernance et l'impact territorial de la COVID-19

Le Comité européen de la démocratie et de la gouvernance (CDDG)[11] et l'OCDE[12] ont tous deux publié des analyses sur la gouvernance démocratique et l'impact de la COVID-19 sur la gouvernance démocratique et territoriale. Quelles ont été leurs principales conclusions ?

 

1) Leur principale observation est que les collectivités territoriales ont joué un rôle clé en tant qu‘échelon de gouvernance le plus proche des citoyens. En effet, une approche adaptée au milieu garantit une gouvernance démocratique et une réponse adéquate aux problèmes locaux. Leur succès est le résultat d'une gouvernance en partenariat, chaque échelon de gouvernement ayant ses propres pouvoirs et responsabilités.

 

2) Les deux rapports ont souligné l'impact de la COVID-19 sur la numérisation et la modernisation des services publics ; catalysant les tendances précédentes, la pandémie a fait de ces phénomènes la nouvelle réalité. De nombreux services ont désormais été numérisés et sont donc plus efficaces et plus accessibles au public.

 

3) Alors que les collectivités territoriales jouaient un rôle important, les États et les gouvernements centraux apportaient un soutien à grande échelle en adoptant des mesures juridiques et administratives d'urgence englobant la gestion des urgences sanitaires, des avantages fiscaux ou un financement supplémentaire pour les collectivités territoriales.

 

4) L'approche différenciée de la gestion de la pandémie a créé des inégalités entre les états ou les régions. Pour pallier ce déséquilibre, leCDDGsouligne l'importance de faire participer tous les acteurs de la société civile aux décisions de gestion de crise.

 

En définitive, le message clé des analyses de l'OCDE et duCDDGest que, en temps de crise, nous devons nous tourner vers les collectivités territoriales pour obtenir des informations sur les préoccupations infranationales.

 

Tout en devant répondre à la pandémie et gérer la crise, les pays ont dû faire face à d'immenses défis sociaux, politiques et juridiques qui se sont soudainement présentés, sans pour autant négliger leurs responsabilités relatives à la démocratie, les droits de l'homme et l'état de droit.

 

Encadré 7 : La boîte à outils du Conseil de l'Europe pour le respect de la démocratie, de l'état de droit et des droits de l'homme dans le cadre de la COVID-19[13] 

 

Les collectivités territoriales, en tant que principaux partenaires de la gestion de la pandémie de COVID-19, sont pleinement impliquées dans le processus de respect de la démocratie, de l'état de droit et des droits de l'homme.

 

Le droit à la liberté et à la sécurité peut être limité s’il s’agit « d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse » (article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme - CEDH) : cette limitation a permis aux états et aux gouvernements locaux de prendre des mesures rapides. Toutefois, il est rappelé dans la boîte à outils du Conseil de l'Europe que le respect de la démocratie, de l'état de droit et des droits de l'homme est toujours requis. Bien que des dérogations soient possibles pour certains des droits de l'homme protégés par la Convention[14], il y a toujours des règles à suivre :

 

- Les États doivent informer le Secrétaire Général ;

- Les mesures doivent être proportionnées au but légitime poursuivi, nécessaires, limitées et établies par la loi.

 

LeCdEapporte des précisions concernant certains droits spécifiques :

- Le droit à la vie, l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, même en cas d'urgence publique comme la COVID-19.

- Avec l'isolement et l'enfermement, les violences domestiques, sexuelles et sexistes augmentent : les États doivent continuer à fournir et même améliorer les services offrant soutien et protection aux victimes de crimes.

 

À la question de savoir si les mesures introduites pour gérer l'urgence l'ont été de manière officielle ou informelle, dix associations[15] ont répondu qu'une approche informelle avait été utilisée (par exemple, des directives de l'État central, des collectivités territoriales assumant la direction des opérations, etc.) tandis que neuf associations[16] ont indiqué que des mesures formelles avaient été prises (par exemple, des modifications législatives, telles que des lois COVID-19 ou des décrets d'État, etc.) Dans le cas de six associations (Lituanie, Écosse, Pologne, Portugal, Roumanie, Ukraine), les changements intervenus en réponse à la crise en combinaient des approches formelles et informelles.

  

Figure 11 – Approche choisie pour la gestion de la crise liée à la COVID-19

Source: Enquête TERRI 2021 | CCRE

 

Encadré 8 : Adaptation des processus de gouvernance au Kosovo pour gérer la pandémie

Au Kosovo, chaque fois que les autorités locales ont joué un rôle actif en introduisant des mesures pour ralentir la propagation de la pandémie de COVID-19, leur propre travail dans les municipalités a été affecté. Pourtant, toutes les municipalités du Kosovo ont réussi à activer des centres locaux de gestion de la crise et à mettre en place des groupes opérationnels sur le terrain. Il y a également eu une coordination continue, complète et efficace entre les municipalités et le gouvernement central sur les mesures à prendre. Pour aider leurs entreprises, les municipalités ont dispensé celles qui utilisent des biens municipaux de payer les impôts municipaux et ont allégé les charges administratives associées.

 

La pandémie a néanmoins contraint les municipalités à suspendre les rencontres avec les citoyens et leurs consultations régulières sur les priorités affectant les communautés. Pourtant, si ces dialogues avec les citoyens ont été interrompus, d'autres formes de communication ont vu le jour. Certains maires ont cherché des moyens novateurs de se rapprocher des citoyens, en devenant très actifs sur les médias sociaux. Ils ont utilisé les réseaux sociaux, tels que Twitter et Facebook, pour informer leurs citoyens des nouvelles mesures et des nouveaux plans de lutte contre la pandémie et pour amplifier leurs appels à respecter les mesures anti-COVID-19, telles que la distanciation sociale.

[1]  Lire : « Qui est responsable et pourquoi ? La centralisation au sein et entre les gouvernements » https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/336279/Eurohealth-26-2-99-103-eng.pdf ;
Rapport « Gouvernance démocratique et COVID-19 » CDDG (2020) 20, 1680a0beec (coe.int) ;
« Les modèles de démocratie comptent dans la crise de Covid-19 : Une comparaison des processus politiques français et allemands », https://doi.org/10.4000/irpp.1788

[2]  https://cor.europa.eu/en/engage/studies/Documents/Regional%20differences%20in%20Covid-19%20response%20-%20exposure%20and%20strategy/regional%20response%20covid.pdf

[3] 27 pays : Albanie, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Hongrie, Israël, Kosovo, Lettonie, Lituanie, Malte, Moldavie, Monténégro, Macédoine du Nord, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni (WLGA, COSLA, LGA), Serbie, Suède et Ukraine.

[4] Allemagne, Estonie, Géorgie, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Slovaquie, Slovénie, Turquie.

[5] Allemagne, Bulgarie, Croatie, Danemark, Espagne, Finlande, Islande, Israël, Kosovo, Lituanie, Luxembourg, Macédoine du Nord, Malte, Monténégro, Norvège, Portugal, République tchèque, Turquie, Royaume-Uni

[6] Autriche, Belgique, France, Géorgie, Italie, Lettonie, Moldavie, Pays-Bas, Serbie, Slovénie.

[7] https://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/the-territorial-impact-of-covid-19-managing-the-crisis-and-recovery-across-levels-of-government-a2c6abaf/

[8] OMS/Europe | Renforcement de la riposte des systèmes de santé face à la COVID-19 (who.int)

[9] Pour en savoir plus : https://verfassungsblog.de/belgiums-accordion-response-to-Covid-19/)

[10] Pour en savoir plus : http://www.forumfed.org/wp-content/uploads/2020/04/AustriaCovid.pdf

[11] 1680a0beec (coe.int)

[12] OCDE: https://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/the-territorial-impact-of-covid-19-managing-the-crisis-and-recovery-across-levels-of-government-a2c6abaf/

[13] COVID-19 : Boîte à outils pour les Etats membres (coe.int)

[14] [14] European Convention on Human Rights (coe.int)

[15] Albanie, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Israël, Monténégro, République Tchèque, Royaume-Uni (WLGA).

[16] Bulgarie, Croatie, Chypre, Hongrie, Kosovo, Lettonie, Macédoine du Nord, Malte, Moldavie.

Les finances locales et régionales sous pression

La crise liée à la COVID-19 a mis en évidence la position en première ligne des collectivités territoriales, qui ont été confrontées au défi de continuer à fournir des services essentiels tout en devant développer de nouveaux services et de nouvelles approches, tant dans le domaine de la santé qu'au-delà. A cet égard, elles ont souvent pris l'initiative plutôt que d'attendre d'être dirigées par le gouvernement central. Dans le cadre de nos recherches sur les implications financières pour les collectivités territoriales au cours de cette période extraordinaire, les associations nationales du CCRE se sont avérées une fois de plus une riche source d'informations primaires précieuses[1].

 

Au début de la crise, de nombreuses collectivités territoriales ont été confrontées au problème de l'insuffisance de ressources financières et, en particulier, les municipalités se sont souvent retrouvées à assumer des responsabilités financières supplémentaires sans disposer des moyens nécessaires, en raison de la baisse imprévue des recettes fiscales locales résultant des mesures d'allègement fiscal et autres. Toutefois, beaucoup ont confirmé que ce problème a été résolu par la suite[2].

 

D’après les membres du CCRE, les expériences des collectivités territoriales dressent un tableau mitigé, selon qu'elles ont reçu ou non des transferts de l'État pour compenser les pertes dues à la réduction des recettes fiscales locales ainsi que pour aider à financer des dépenses supplémentaires.

 

Quatorze pays[3] ont déclaré avoir reçu de tels transferts financiers à titre de remboursement de leurs dépenses supplémentaires. Cependant, pour onze autres pays (Chypre, Géorgie, Israël, Italie, Moldavie, Monténégro, Norvège, Pologne, Roumanie, Serbie et Ukraine), bien qu'ils aient indiqué que la crise liée à la COVID-19 a effectivement eu un impact sur les finances de leurs collectivités territoriales, celles-ci n’ont reçu aucune ressource supplémentaire pour l'accomplissement de tâches supplémentaires.

 

Figure 12 – Ressources financières supplémentaires fournies par les gouvernements centraux aux collectivités territoriales pour la gestion de la crise liée à la COVID-19

Source: Enquête TERRI 2021 | CCRE

 

Il convient toutefois de noter que, dans la majorité des cas, la situation concernant les transferts financiers du gouvernement central vers les collectivités territoriales s'est avérée plus compliquée. C'est ce qu'ont indiqué les associations de 13 pays[4], principalement en raison des différentes formes de soutien apportées par les gouvernements centraux aux collectivités territoriales pendant la crise.

 

Dans de nombreux pays, les règles existantes ont été assouplies, donnant aux collectivités territoriales une plus grande marge de manœuvre financière. Au Portugal, par exemple, l'assouplissement des règles relatives à l'équilibre budgétaire et aux dépenses a été autorisé. En outre, la procédure d'autorisation des prêts à court terme a été simplifiée et le recours aux emprunts à moyen et long terme a été facilité, en suspendant la nécessité d'un accord préalable de la part des assemblées municipales. En outre, les collectivités locales ont pu demander une avance ou des transferts anticipés de leur part des impôts perçus par l'État. En France, des mesures ont également été adoptées pour alléger le cadre comptable et budgétaire relatif aux dépenses ayant directement trait à la crise liée à la COVID-19[5].

 

Ces développements reflètent des actions similaires au niveau de l'UE, où le Conseil des ministres de l'UE a activé une clause spéciale du Pacte de stabilité et de croissance de l'UE. Cette clause permet aux gouvernements nationaux de l'UE de passer outre les règles budgétaires habituelles utilisées pour maintenir les dépenses budgétaires en dessous de certains plafonds convenus.

 

Plusieurs associations ont noté que, bien que l'aide financière ait été mise à disposition, elle n'a pas été entièrement reçue par les collectivités territoriales ou n'a été appliquée que dans des cas limités. Les associations croate et slovaque du CCRE ont précisé que l'assistance financière de leur gouvernement central était insuffisante pour couvrir les coûts financiers supportés par les municipalités, ou, lorsqu'elle était suffisante, que les décisions étaient prises sur une base arbitraire, en fonction de la municipalité concernée.

 

Les associations autrichiennes du CCRE ont également souligné que les remboursements ne couvraient pas les frais encourus liés à la pandémie (tests, recherche des contacts, vaccinations, tests pour les employés, home office, etc.).

 

Des ressources financières supplémentaires ont été fournies aux autorités locales du Pays de Galles (Royaume-Uni), leur permettant de jouer un rôle central dans le soutien de leurs communautés, de leurs citoyens et de leurs entreprises dans la gestion de l'impact de la crise. Cela a également conduit à une relation de travail beaucoup plus étroite avec le gouvernement gallois, avec un dialogue et un engagement, meilleurs et plus réguliers, ce qui a permis d'améliorer les résultats.

 

Dans certains pays le gouvernement central a annoncé des compensations financières pour les gouvernements infranationaux, mais seulement à un stade beaucoup plus avancé de la pandémie. C'est ce qu'ont constaté les collectivités territoriales en République tchèque, où l'État a décidé de compenser financièrement les municipalités pour les pertes de revenus liées aux mesures contre la COVID-19 et à la crise économique qui en a découlé, mais bien plus tard et seulement parce que de nouveaux changements fiscaux ont été introduits.

 

En France, l'Association française du Conseil des Communes et Régions d'Europe (AFCCRE) a indiqué que certaines mesures ont été adoptées par le gouvernement afin de compenser les dépenses locales liées à la COVID-19 ; par exemple, le remboursement de 50 % des dépenses en masques au début de la pandémie. Des mesures ont également été adoptées pour alléger le cadre comptable et budgétaire des dépenses directes liées à la COVID-19 pour les collectivités territoriales.

 

L'association espagnole des municipalités et des provinces (FEMP) a souligné que, dès le début, il y avait eu une excellente coordination entre le Ministère des affaires intérieures, laFEMPet l‘échelon régional (Comunidades Autónomas). Cela a facilité l'alignement des actions entre tous les échelons de gouvernement pour répondre aux préoccupations en matière de sécurité et aider à soutenir les citoyens pendant le confinement. Cet exemple illustre les bonnes pratiques résultant de la gestion de la pandémie.

 

Même dans certains pays où la crise liée à la COVID-19 n'a pas eu d'impact sur les attributions et les responsabilités des collectivités territoriales, il y a eu des cas où le gouvernement central a apporté une aide financière aux collectivités territoriales.

 

C'est ce qui s'est produit en Turquie où le gouvernement central n'a pas délégué de tâches ou de responsabilités supplémentaires aux municipalités et n'a pas non plus fourni de financement additionnel pour la gestion liée à la COVID-19. Néanmoins, le gouvernement central a reporté certains des paiements municipaux dus et renoncé temporairement à d'autres paiements afin de soutenir la prestation de services à l’échelon local pendant la crise liée à la COVID-19.

 

En Allemagne, la répartition des responsabilités et des tâches n'a pas changé spécifiquement pour répondre à la pandémie pour les gouvernements infranationaux, mais la charge de travail a augmenté et s'est diversifiée. Par exemple, le service de santé publique des comtés et des villes sans comté, comme Berlin, a commencé à apporter son soutien aux Länder pour la planification, l'organisation et la mise en œuvre des vaccinations contre la COVID-19 en créant des centres de vaccination. Pour atténuer les coûts des comtés et des villes sans comté, le gouvernement fédéral a couvert les frais d'hébergement des demandeurs d'emploi et a fourni une compensation pour le manque de revenus provenant des taxes commerciales. Le Ministère fédéral de la santé a également mis en place le « Pacte pour le service de santé publique » afin de soutenir l’échelon local[6].

 

Il y a des leçons essentielles à tirer sur la façon dont les dispositifs de gouvernance ont fonctionné en réponse à la pandémie et la comparaison des expériences des différents pays a été éclairante à cet égard. Tel que mentionné précédemment, depuis le début de la pandémie de COVID-19, ce sujet a été largement étudié, notamment par le Conseil de l'Europe et l'OCDE[7].  

 

Encadré 9 : Les Plans de relance et de résilience de l'UE : Les collectivités territoriales demandent à être fortement impliquées dans leur préparation et leur mise en œuvre

 

Afin de faire face à la situation sans précédent provoquée par la pandémie de COVID-19, la Commission européenne a mis en place un important dispositif de réponse à la crise, « NextGenerationEU » (NGEU), dont la pièce maîtresse est la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR)[8]. Dans le cadre de la FRR, l'UE empruntera sur les marchés financiers pour accorder des subventions et des prêts aux États membres de l'UE qui doivent d'abord soumettre des Plans de relance et de résilience (PRR), décrivant une stratégie de réforme et d'investissement sur cinq ans pour stimuler leur rétablissement après la crise liée à la COVID-19[9].

 

Les collectivités territoriales sont essentielles pour garantir que tout financement atteint les bonnes cibles nécessaires pour stimuler la régénération locale et régionale ; c'est pourquoi elles ont cherché à être impliquées de manière significative, à la fois dans l'élaboration des PRR et dans leur mise en œuvre. À l'automne 2021, au moment de l'achèvement de la présente étude, la plupart des États membres de l'UE avaient soumis leurs PRR à la Commission européenne et attendaient l'approbation officielle de leurs plans.

 

Cependant, de nombreuses associations du CCRE avaient déjà exprimé leurs inquiétudes quant au manque de consultation infranationale lors de la préparation des PRR, mais aussi en ce qui concerne les questions de gouvernance et d'appropriation des PRR et leur capacité à atteindre des résultats verts et durables. Cette appréhension a été confirmée par une étude conjointe du CCRE et du Comité des régions publiée en janvier 2021[10].

 

Des dispositions de gouvernance efficaces sont fondamentales pour que les PRR soient en mesure de produire les résultats souhaités. Seul le temps nous dira si les aspirations de l'UE seront réalisées et le rôle exact que joueront les collectivités territoriales à cet égard.

 

Il ne fait aucun doute qu'une coordination et une collaboration efficaces ont été essentielles à la gestion de la pandémie, en particulier lorsqu'elles ont été étayées par une attribution claire des responsabilités entre les différents échelons de gouvernement. Il est également évident qu'un financement adéquat, destiné à soutenir ou à dédommager les collectivités territoriales des responsabilités et tâches supplémentaires qu'elles ont assumées pour assurer la prestation de réponses ciblées et adaptées, a fortement influencé l'efficacité des efforts des collectivités territoriales. Ces éléments, plutôt que le degré de centralisation ou de décentralisation, ont été des facteurs déterminants dans l'obtention de résultats efficaces en matière de gouvernance au cours de la première année de la pandémie.

[1] Pour plus de détails, voir l'étude du CCRE sur l'impact de la COVID-19 sur les finances locales et régionales :  https://www.ccre.org/img/uploads/piecesjointe/filename/200629_Analysis_survey_COVID_local_finances_EN.pdf

[2] Comité européen sur la démocratie et la gouvernance (CDDG), Gouvernance démocratique et COVID-19 (2020), 1680a0beec (coe.int)

[3] Belgique, Bulgarie, Danemark, Finlande, Géorgie, Islande, Israël, Kosovo, Lituanie, Malte, Macédoine du Nord, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède.

[4] Albanie, Allemagne, Autriche, Croatie, Espagne, France, République Tchèque, Hongrie, Lituanie, Pays-Bas, Portugal, Slovénie, Turquie

[5] Déclaration des ministres des finances de l'UE sur le pacte de stabilité et de croissance à la lumière de la crise du COVID-19, Déclaration des ministres des finances de l'UE sur le pacte de stabilité et de croissance à la lumière de la crise du COVID-19 - Consilium (europa.eu)

[6] Adopté le 29 septembre 2020.

[7] Impact territorial de COVID-19 : L’Impact territorial du Covid-19 : Gérer la crise entre niveaux de gouvernement (oecd.org)

[8] Regulation (EU) 2021/241 of the European Parliament and of the Council of 12 February 2021 establishing the Recovery and Resilience Facility (2021), https://eur-lex.europa.eu/eli/reg/2021/241/oj

[9] Facilité pour la reprise et la résilience | Commission européenne (europa.eu) https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/recovery-coronavirus/recovery-and-resilience-facility_en

[10] Comité des Régions | CCRE (2021) https://webapi2016.cor.europa.eu/v1/documents/cor-2021-00131-00-00-tcd-tra-en.docx/pdf